Le cahier des charges des collectivités évolue en matière d’appels d’offre. Choisir ses fournisseurs, ses partenaires sur la base de valeurs partagées en termes d’engagement social et environnemental fait désormais partie des critères de sélection pour les dépenses publiques, y compris pour les financements. La Caisse d’Epargne Aquitaine Poitou-Charentes a répondu au questionnaire sur la transparence financière et la RSE* adressé par la ville de Bordeaux à ses partenaires bancaires.
Matthieu Guerlain, Directeur Général finances et commande publique à la ville de Bordeaux et à Bordeaux Métropole décrypte le dispositif. Rencontre …
Vous faites partie des toutes premières collectivités en France à avoir mis en place un questionnaire RSE. Qu’est ce qui a motivé cette démarche ?
C’est une démarche qui s’inscrit dans une réflexion sur l’engagement sociétal et environnemental de l’ensemble des pans de notre action publique y compris les actions financières. Pour les questions de subventions accordées aux associations par exemple, cela peut se traduire par des réflexions sur une budgétisation sensible au genre dans le cadre de leur politique d’égalité femme-homme, ou encore sur une budgétisation verte.
Aujourd’hui, il y a aussi une volonté forte de s’interroger sur l’aspect financement de nos projets. Et donc sur les relations avec nos partenaires bancaires. La ville de Bordeaux fait effectivement partie des premières collectivités qui se sont lancées dans ce domaine-là, aux côtés de Besançon et de Bourg-en-Bresse. Les élus en charge des finances ont échangé sur les enjeux, dont le spectre peut être plus ou moins large. Certains ont souhaité mettre l’accent par exemple sur le désinvestissement des énergies fossiles de la part des banques auprès desquelles ils se finançaient et sur ce point-là très spécifiquement. Le choix qui a été retenu à Bordeaux a été plutôt de valoriser l’ensemble du spectre responsabilité sociale et environnementale avec la dimension climat, les enjeux de biodiversité, la dimension sociale … pour une approche grand angle, équilibrée.
A quel point ce questionnaire peut-il être excluant ou contraignant pour les partenaires bancaires ?
Notre souhait, pour cette première année de mise en œuvre, est de remplir une seule condition, indispensable : celle de répondre au questionnaire, de s’interroger et de partager avec la collectivité ces questions de RSE. L’appréciation sera portée sur la qualité des réponses, en regard de l’offre commerciale, pour équilibrer les deux. Pour préciser la philosophie de cette démarche, la version d’origine de ce questionnaire a été présentée et débattue avec nos correspondants locaux en réunissant la plupart de nos banques prêteuses récurrentes, dans une optique de co-construction pour susciter une adhésion naturelle.
Où trouver les informations, est-ce qu’on se contente du déclaratif ou doit-on mettre en place des mécanismes de contrôle ? Autant de questions posées par les élus lors de la présentation du dispositif en Conseil Municipal. A ce stade, c’est un premier pas dans cette direction et c’est totalement assumé. On demande à nos partenaires d’annexer au questionnaire un rapport corporate ou RSE, qui source déjà ces engagements, parfois au travers de label ou de normes.
Comment ce questionnaire s’intègre-t-il dans la démarche RSE globale de la ville ?
Nous n’avons pas vocation à devenir un organisme de contrôle ou de certification des banques. Il s’agit plutôt de valoriser celles qui s’engagent dans ce domaine et d’encourager celles qui ne l’ont pas encore fait. La démarche est incitative.
La mise en place de ce questionnaire aura toute sa place dans notre Rapport Annuel de Développement Durable. Nous ne nous arrêterons pas à une intention dans cette démarche, nous rendrons également des comptes aux citoyens. Nous voulons pouvoir leur dire : « Pour réaliser ses projets votre commune emprunte et quand elle emprunte elle regarde avec qui elle travaille ». Et par exemple, nous avons choisi la Caisse d’Epargne pour ses engagements et pouvoir les citer.
Sur le plan pluriannuel d’investissement que notre banque régionale contribue à financer, pouvez-vous citer un projet emblématique du territoire qui s’inscrive dans ces valeurs de responsabilité et d’engagement ?
Je retiendrais une action qui combine plusieurs dimensions, ce sont les cours d’écoles et de crèches végétalisées. On est là au cœur des compétences d’une commune. Enlever du bitume pour remettre de la pelouse, des arbustes ou des plantations revêt un aspect pédagogique pour les enfants avec l’option éducative du jardinage. En rafraîchissant la cour d’école, au sens premier avec ce concept d’îlot vert, nous proposons également une adaptation au changement climatique. Et c’est aussi une belle alternative à la cour d’école bitumée avec deux panneaux de basket ou deux buts de foot qui prennent 90% de l’espace, qui favorisent les enfants souhaitant faire du sport pendant la récréation, et qui est plutôt dévolu aux garçons sans faire de stéréotype de genre. Ces projets-là font donc aussi bouger les lignes en matière d’égalité femme-homme et éducation à la nature dès le plus jeune âge. Enfin dans l’espace public, le retrait du bitume est vertueux pour les sols en favorisant l’infiltration plutôt que le ruissellement. Ce type d’initiative coche toutes les cases par nature.
Notre banque finance également régulièrement des projets adossés tels que Mixener ou Régaz pour la SEM Bordeaux Métropole Energies. Comment cet outil sera utilisé dans l’action métropolitaine des prochaines années ?
Beaucoup de projets de réseaux de chaleur sur la Métropole ! A l’instar du pays, l’objectif de la Métropole est d’être neutre en carbone à horizon 2050. Une des manières d’y parvenir c’est de revoir le mix énergétique à la fois des consommations de la sphère publique et plus largement des habitants et des entreprises. Il s’agit donc de développer très fortement tout ce qui est énergies renouvelables sur le territoire et notamment les réseaux de chaleur. Ils peuvent être adossés à des grands équipements, comme celui en constitution près du campus de l’Université qui va desservir le sud de la Métropole. Un autre sera adossé à un équipement consommateur : le stade nautique de Mérignac, il irriguera toute la zone alentours avec une part de géothermie. Et d’autres dans des zones densément peuplées comme le Grand Parc permettront d’évoluer vers des chaufferie biomasses.
Pour tous ces projets, l’objectif est de verdir le mix énergétique.
Mixener ou Bordeaux Métropole Energies font clairement partie des acteurs qui aident soit à la construction, soit à l’exploitation de ces réseaux de chaleur, certains en régie d’autres en délégation de service public. Dans cette période un peu troublée, le fait d’avoir des acteurs locaux experts en énergie est une vraie richesse.
C’est tout aussi important de travailler de concert avec un partenaire bancaire qui soutienne les grands acteurs du territoire. Côtés pouvoirs publics, nous sommes contents d’avoir des partenaires industriels compétents et porteurs de projets et ils ont besoin de banques partenaires telle que la vôtre, qui leur fassent confiance pour les investissements. Tout cela est vertueux et renforce les synergies.
Le document clé sur ces sujets sera le plan climat-air-énergie qui va être adopté ce mois-ci à la Métropole : il va tracer entre autres une feuille de route détaillée sur ce programme de développement des réseaux de chaleur.
Pour l’acteur institutionnel que vous êtes, sur quoi repose selon vous, le partenariat historique entre notre banque coopérative et les collectivités ?
On est une collectivité dynamique en termes de population, en termes de ressources financières aussi et cela implique des besoins structurels d’investissements importants et récurrents. Comme on a besoin d’investir pour accueillir toujours plus de population et pour accompagner les transitions, on est en permanence en phase d’investissement aussi bien du côté ville que du côté Bordeaux Métropole. C’est donc très important d’avoir des partenaires bancaires qui nous suivent. Un partenariat historique est d’autant plus précieux quand le contexte économique se tend comme c’est le cas actuellement.
Avec une banque auprès de qui on emprunte régulièrement, on parle des nouveaux projets, on a un suivi. Les prêts aux collectivités restent des actifs peu risqués qui peuvent être attractifs pour des banques européennes, mais quand les exigences se resserrent en termes de fonds propres ou autres elles peuvent aussi délaisser le marché et on se retrouve alors avec des encours de dettes sans correspondants réguliers, le financement devient juste une ligne dans un bilan. Nous ne souhaitons pas cela. Il me semble qu’avoir une relation longue avec un partenaire bancaire a plus de sens.
* Responsabilité Sociale et Environnementale
Portrait de Mathieu Guerlain : crédit photo – Anais Sibelait /
Cours végétalisées : crédit photo – Ville de Bordeaux- Thomas Sanson
Avec sa Banque d’Affaires, la Caisse d’Epargne Aquitaine Poitou-Charentes accompagne les acteurs institutionnels du territoire avec des propositions innovantes en matière d’ingénierie financière et de finance durable.
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